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M&A 2025 : le grand retour des mégadeals et des stratégies de transformation
Après deux années de reflux, le marché mondial des fusions-acquisitions (M&A) connaît en 2025 un rebond d’une ampleur rare : la valeur totale des transactions devrait atteindre 4 800 milliards de dollars, soit +36 % en un an, selon Bain & Company.
Le contraste est saisissant : le nombre de transactions ne progresse que de 5 %, mais la valeur totale bondit à des niveaux quasi historiques. Le moteur est clair : les deals de plus de 5 milliards de dollars portent 75 % de la hausse. Particularité notable, environ 60 % de ces mégadeals proviennent d’entreprises qualifiées d’« infrequent acquirers », c’est-à-dire des groupes qui ne recourent que rarement au M&A.
Pour Bain, cette évolution traduit à la fois un regain de confiance et une pression stratégique croissante, notamment liée aux ruptures technologiques. Plus de 40 % des opérations majeures sont des transactions dites « transformatives », représentant plus de la moitié de la capitalisation de l’acquéreur, un niveau de risque élevé nécessitant un alignement stratégique particulièrement rigoureux.
Les dynamiques sectorielles confirment la profondeur du mouvement. La tech, dopée par l’essor de l’IA, enregistre une hausse de 76 % pour atteindre 478 milliards de dollars. Près d’un deal stratégique sur deux au-dessus de 500 millions concerne une entreprise « AI-native » ou visant l’intégration de capacités IA dans l’offre existante.
L’industrie manufacturière avancée connaît également un cycle solide, +38 % à 717 milliards de dollars. Sur le plan géographique, les États-Unis concentrent près de la moitié de la valeur totale, la Chine reste active grâce aux opérations domestiques (plus de 80 % du marché), tandis que le Japon double la valeur de ses transactions et devient le troisième marché mondial. L’EMEA (Europe, Afrique, Moyen-Orient) offre un paradoxe : forte croissance en valeur, mais recul du nombre de deals (-7 %), signe d’un marché encore sélectif et plus prudent.
Plusieurs facteurs expliquent le redémarrage : une détente réglementaire dans de nombreuses juridictions, un coût du capital en voie de normalisation, et la réduction de l’écart de valorisation entre acheteurs et vendeurs. Les multiples EV/EBITDA, remontés à 11,6x, toujours en dessous des sommets de 2021, facilitent les rapprochements. S’ajoute un élément de pression inédite : la course à l’IA. Bain indique que 85 % des dirigeants M&A ont actualisé leur pipeline pour intégrer cette nouvelle donne technologique.
L’IA réécrit la pratique du M&A
La transformation la plus profonde vient peut-être moins des deals eux-mêmes que de la manière dont ils sont préparés. Selon Bain, 75 % des acquéreurs évaluent désormais l’impact de l’intelligence artificielle dans leurs due diligences. Plus significatif encore : 20 % des opérations sont abandonnées en raison de risques spécifiques à l’IA, qu’il s’agisse de l’intégrité des données, de la gouvernance algorithmique ou de la soutenabilité des modèles économiques basés sur l’automatisation. Les professionnels du secteur évoluent eux aussi à grande vitesse : 45 % affirment utiliser l’IA dans leurs tâches quotidiennes, du sourcing à l’analyse des synergies en passant par la planification d’intégration.
Cette mutation s’accompagne d’un déplacement stratégique majeur : 2025 est l’année du basculement vers les « scope deals ». Environ 60 % des opérations de plus d’un milliard de dollars visent désormais l’acquisition de nouvelles capacités, technologiques, commerciales ou sectorielles, plutôt que la recherche d’économies d’échelle. Même les secteurs historiquement centrés sur la taille, comme les services financiers ou l’industrie traditionnelle, infléchissent leur modèle. Les entreprises cherchent moins à se consolider qu’à se repositionner dans un environnement où l’IA accélère les cycles d’innovation et renforce les barrières à l’entrée.
Pour autant, ce rebond spectaculaire se heurte à une contrainte structurelle : l’allocation budgétaire au M&A est au plus bas depuis dix ans. Les entreprises du S&P World Index n’y consacrent plus que 7 % de leurs dépenses de cash, contre 9 à 17 % durant la décennie précédente. Les groupes arbitrent désormais entre M&A, investissement dans l’IA, transformation des infrastructures technologiques, renforcement de la supply chain et financement de la transition énergétique. Cette concurrence interne limite mécaniquement le nombre d’opérations, tout en renforçant l’exigence de rentabilité associée à chaque deal.
En toile de fond, se profile aussi une géopolitique plus intrusive. Si les tensions commerciales et tarifaires n’ont eu qu’un impact limité en 2025, Bain anticipe des effets plus marqués dans les prochaines années, notamment un moindre appétit des acquéreurs non américains pour les actifs US. Un signal qui pourrait remodeler la géographie du M&A mondial.
Sources : Bain & Company, Global M&A Report 2025
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