Fiscalité

Taxe foncière : comment l'impôt immobilier gruge les finances des propriétaires

Hausse moyenne, flambées locales et budget immobilier en baisse : dans 70 % des grandes villes étudiées, la taxe foncière pèse désormais au moins l’équivalent d’une mensualité de crédit par an. À Saint-Étienne, elle franchit même le cap de trois mensualités. Un signal d’alerte pour les primo-accédants, qui sous-estiment encore trop souvent ce poste.

Un impôt sous pression… et sous-estimé
C’est un impôt récurrent que beaucoup oublient d’intégrer au plan de financement. D’après la dernière étude de Meilleurtaux (32 villes passées au crible), la taxe foncière atteint en moyenne 118 € par mois pour un logement de 70 m², soit environ 1 416 € par an. Rapporté à une acquisition type (financement à 100 % sur 20 ans), cela représente au moins une mensualité de crédit dans 7 villes sur 10. Et le phénomène s’accentue : dans plusieurs agglomérations – Le Havre, Nîmes, Perpignan – la facture grimpe à deux mensualités. Record à Saint-Étienne, où elle dépasse trois mensualités, combinant bond de 18,5 % de la taxe sur un an et baisse de 14 % du budget d’achat estimé par le courtier pour un 70 m².
 

Ce décrochage du ratio « taxe / mensualité » s’explique par un double mouvement. Côté dépenses, la taxe foncière progresse encore dans la plupart des territoires. Côté financement, le budget d’achat recule en moyenne de 4 %, sous l’effet conjugué du repli des taux de crédit et de la correction des prix immobiliers dans certaines villes. Résultat : à impôt quasi constant, la part relative de la taxe augmente mécaniquement dans le budget global d’un propriétaire.
 

L’avertissement vise en priorité les primo-accédants. « Beaucoup n’ont jamais payé la taxe foncière quand ils étaient locataires et ne l’anticipent pas dans le coût total de détention », rappelle Aga Bojarska-Serres, directrice crédit chez Meilleurtaux. De fait, l’Observatoire des taxes foncières de l’UNPI mesure une hausse d’environ 20 % entre 2018 et 2023. Depuis la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, l’impôt foncier est devenu une ressource centrale des communes et intercommunalités. Il est indexé pour moitié sur l’inflation via la revalorisation des bases, et ajusté pour l’autre moitié par les votes locaux : la dynamique haussière a donc de solides ressorts.

Des écarts territoriaux marqués et une méthode peu lisible
L’étude souligne des disparités. Dans la plupart des villes, la progression annuelle s’échelonne entre +3,5 % et +4,5 %. Deux exceptions concentrent les tensions : Saint-Étienne et Nice, où la taxe bondit de +21,7 %. À l’inverse, les métropoles chères – Paris, Aix-en-Provence, Lyon, Nice, Rennes, Lille – figurent en bas de classement quand on rapporte la taxe à la mensualité de crédit : mathématiquement, des mensualités élevées réduisent le poids relatif d’un impôt forfaitaire. Paris illustre bien ce paradoxe : avec 1 298 € de taxe foncière (pour le 70 m² de référence), soit environ 108 € par mois, la charge ne représente que 0,3 mensualité supplémentaire malgré la hausse récente des prix dans la capitale.
 

Au-delà des montants, la complexité de calcul reste un sujet. La taxe repose sur la valeur locative cadastrale (base) multipliée par les taux votés par la commune et l’intercommunalité. Entre revalorisation nationale des bases, coefficients locaux, abattements éventuels, statut d’occupation et exonérations (âge, handicap, revenus, logements neufs, etc.), les sources d’erreur sont fréquentes. Or, un tiers environ des 33 millions de propriétaires pourrait, selon les cas, bénéficier d’allègements ou d’exonérations partielles. D’où l’intérêt de vérifier son avis d’imposition, de contester en cas d’anomalie manifeste, et de solliciter sa mairie ou le centre des impôts fonciers pour faire mettre à jour la description du bien (surfaces, dépendances, changements d’usage) lorsque celle-ci est obsolète.
 

Pour les acheteurs, l’enjeu est de budgéter correctement. Trois réflexes :
1. Demander au vendeur (ou à l’agent) le montant de taxe foncière des trois dernières années ;
2. Simuler l’impact sur l’effort mensuel (mensualité + taxe/12 + charges récurrentes) ;
3. Introduire une marge de sécurité pour hausses futures (bases revalorisées + éventuelles décisions locales).
Côté financement, les banques intègrent de plus en plus la charge foncière dans le calcul du reste à vivre. Les dossiers tendus peuvent ainsi être ajustés (apport, durée, différé) pour absorber un impôt local plus lourd. Les ménages qui ciblent des villes au top du classement (Saint-Étienne, Nîmes, Le Havre, Perpignan) ont donc intérêt à calibrer leur budget global avec prudence, malgré des prix au mètre carré attractifs.

Ce qu’il faut retenir pour 2025
• Effet de ciseaux : taxe foncière en hausse modérée mais continue d’un côté, mensualités en baisse dans certaines villes de l’autre → poids relatif de l’impôt en hausse.
• Fortes disparités locales : +21,7 % à Saint-Étienne et Nice, ratios élevés dans les villes abordables ; poids relatif plus faible dans les métropoles onéreuses.
• Anticipation indispensable pour les primo-accédants : intégrer la taxe dès l’estimation du budget, vérifier les exonérations possibles et la cohérence de l’avis.
• Gouvernance locale déterminante : au-delà de l’indexation nationale, la décision municipale reste la clé de l’évolution de la taxe à moyen terme.
 

En bref, la taxe foncière n’est plus un détail de ligne mais un poste structurant du coût de détention. Dans un marché où les mensualités redeviennent supportables, c’est désormais l’impôt local qui peut faire basculer un budget. Aux acheteurs d’en faire un critère de sélection à part entière et aux propriétaires de sécuriser leur trajectoire financière en conséquence.
 

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