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Livret A : Un signe de la prudence financière

Après une année 2023 record, la collecte du Livret A marque le pas depuis le début de 2025. Derrière cette inflexion, se cachent les signaux d’une économie en pause : consommation hésitante, attentes de baisses de taux, incertitudes politiques. Le placement préféré des Français révèle aussi… leurs doutes.
 

Une collecte en baisse malgré un rendement encore attractif
La courbe est nette. Après une collecte nette de 39 milliards d’euros en 2023, portée par le rendement élevé (3 %) et les incertitudes sur les marchés, le Livret A s’essouffle depuis le début de l’année. En avril, la collecte est tombée à 510 millions d’euros, soit cinq fois moins qu’en mars, et certains mois ont même été légèrement négatifs en début d’année.
 

Cette baisse ne s’explique pas par une désaffection pour le Livret A lui-même : à 2,4 % net d’impôt, il reste un placement sûr, liquide, et au-dessus de l’inflation actuelle (2,2 % en mai). Mais le contexte a changé.

Les Français commencent à désépargner légèrement, face à la reprise de la consommation, aux dépenses liées à l’immobilier ou aux vacances.

 

D’autres attendent une baisse des taux directeurs, qui pourrait rendre plus attractifs d’autres produits dans les mois à venir (assurance vie, fonds euros, obligations…).

Enfin, la campagne européenne, les tensions politiques internes et les incertitudes fiscales nourrissent une forme de wait and see généralisé.
 

Résultat : le Livret A ne joue plus autant son rôle de réservoir massif d’épargne de précaution. Il reste un outil d’attente, mais de moins en moins perçu comme une solution de long terme.
 

Une baisse de collecte qui interroge sur les arbitrages patrimoniaux
Ce reflux, s’il se confirme, pourrait être le signe d’une réorientation plus large de l’épargne des ménages. D’abord vers la consommation : les indicateurs de confiance repartent légèrement à la hausse, et certains secteurs (loisirs, voyages, automobile) bénéficient de la réallocation de ces liquidités. Ensuite, vers des placements à meilleur potentiel : certains assureurs-vie relancent les fonds euros boostés ou les unités de compte avec protection du capital à échéance.
 

Mais attention : une partie des épargnants reste encore surexposée à la liquidité à faible rendement, faute de conseil ou par simple inertie. Or dans un environnement de taux réels positifs, laisser dormir du capital sur des supports à 2,4 % peut coûter cher à long terme, en particulier pour ceux qui visent un objectif patrimonial (retraite, achat immobilier, transmission).
 

Pour les investisseurs avisés, le message est clair : le Livret A reste utile pour la sécurité immédiate, mais ne doit pas être le pilier d’une stratégie d’épargne. Sa baisse de collecte peut être l’occasion d’arbitrer vers des placements mieux calibrés au regard du profil de risque, de l’horizon et des objectifs.
 

Pour les acteurs du marché : une tension à surveiller
Moins visible que les marchés actions ou la macroéconomie globale, le Livret A constitue un baromètre comportemental précieux. Sa dynamique renseigne sur l’état d’esprit des ménages, leur appétence au risque, leur perception de l’avenir.
 

Or, dans une économie française qui peine à redémarrer, cette désaffection pourrait indiquer un fléchissement de la confiance globale. Si les ménages commencent à piocher dans leur bas de laine, ce n’est pas toujours bon signe pour l’investissement, la consommation durable ou l’immobilier.
 

Pour les acteurs financiers et les autorités, la question devient stratégique : comment orienter une épargne encore massive (plus de 400 milliards d’euros sur les livrets réglementés) vers l’économie productive ? Et surtout, comment restaurer la confiance pour que l’épargne redevienne un levier de croissance, et non un simple matelas d’attente ?
 

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