Retraite
20/01/25
Provision des retraites des fonctionnaires : un potentiel d'économie de 60 milliards d'euros par an
Les dépenses de retraite des fonctionnaires de l’État ont explosé au fil des décennies, passant de 20 milliards d’euros en 1977 à 62 milliards en 2023. Selon une étude de l’Institut économique Molinari, si l’État avait provisionné les retraites comme certaines institutions (Sénat, Banque de France), il aurait pu économiser jusqu’à 60 milliards d’euros par an.
Le principe est simple : au lieu de financer les pensions en ponctionnant directement le budget de l’État, un fonds souverain alimenté progressivement permettrait de dégager des revenus grâce aux rendements du capital investi. Cette solution, déjà expérimentée en France et à l’étranger, pourrait considérablement réduire la pression budgétaire et améliorer la gestion des retraites publiques.
Un modèle éprouvé en France et à l’international
L’étude s’appuie sur plusieurs exemples de provisionnement réussi :
• La Banque de France, qui a intégralement financé ses retraites en constituant un fonds de 14 milliards d’euros, permettant même de restituer 2,6 milliards d’euros de surprovisionnement en trois ans.
• Le Sénat, qui a épargné 1,7 milliard d’euros pour les pensions de ses personnels et élus, générant 657 millions d’euros d’économies entre 2008 et 2022.
• Le Québec, où le Fonds d’amortissement des régimes de retraite (FARR) assure le financement intégral des pensions publiques grâce à un rendement moyen de 7,4 % sur 30 ans, générant une création nette de richesse de 2,8 % par an après coût de la dette.
Ces exemples montrent qu’un modèle de capitalisation collective appliqué aux retraites des fonctionnaires est non seulement viable mais hautement rentable.
Un levier pour relancer les finances publiques
Si le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), créé en 2000, avait été alimenté comme prévu, il aurait atteint 150 milliards d’euros en 2020 et généré 76 milliards de gains.
L’Institut Molinari propose d’amplifier ce modèle en allouant 1 % du PIB par an à un fonds souverain dédié aux retraites des fonctionnaires. En 42 ans, il atteindrait 88 % du PIB, permettant à l’État de financer intégralement les pensions publiques sans peser sur le budget. D’ici 2070, les intérêts générés suffiraient à couvrir l’ensemble des pensions de la fonction publique sans réduire les prestations ni alourdir la fiscalité.
Un enjeu pour les fonctionnaires et les contribuables
Aujourd’hui, le financement des retraites impacte directement la rémunération des fonctionnaires. Depuis 1977, 71 % de l’augmentation des dépenses de personnel de l’État est due aux retraites, réduisant d’autant les marges de manœuvre pour revaloriser les salaires, augmenter les effectifs ou améliorer les services publics. Dans l’Éducation nationale, par exemple, 30 % du budget est absorbé par les pensions, expliquant la stagnation des salaires des enseignants et la difficulté à rendre ce métier attractif.
Une réforme nécessaire face au vieillissement démographique
À l’échelle européenne, les promesses de retraite des fonctionnaires représentent 36 % du PIB, soit 4 800 milliards d’euros. L’Allemagne et l’Espagne ont déjà commencé à constituer des fonds souverains pour anticiper la hausse des dépenses. La France, en retard sur cette question, pourrait s’inspirer de ces modèles pour sécuriser son système de retraite et éviter des réformes douloureuses à l’avenir.
Selon Nicolas Marques, directeur de l’Institut Molinari, il est urgent d’agir : « Nos chiffrages montrent qu’il s’agit d’un gisement d’économies massif et inexploité. Provisionner les retraites permettrait de soulager le budget public et d’améliorer le pouvoir d’achat des fonctionnaires en activité. »
Pour Cécile Philippe, présidente de l’Institut Molinari, il s’agit aussi d’un enjeu économique global : « Plus d’épargne longue, c’est plus d’innovation et d’emploi. L’Europe est à la traîne en matière de croissance, en partie parce qu’elle n’a pas su développer suffisamment la capitalisation collective. »
Face à l’explosion des dépenses publiques et au vieillissement de la population, cette réforme pourrait être une solution durable pour stabiliser les finances publiques sans sacrifier les pensions ni augmenter les impôts. Mais sa mise en œuvre dépendra de la volonté politique d’anticiper, plutôt que de gérer les crises au coup par coup.